Je vis depuis 1985 dans les Marolles. J’ai toujours vécu seul, mais j’ai une aide familiale qui vient 2, 3 fois par semaine. Elle va à la pharmacie, elle fait les courses. Elle fait tout depuis le temps qu’on se connaît, elle sait ce qu’il me plait, on discute. Je connais ses enfants, j’ai connu sa mère, elle s’occupe toujours bien de moi, il n’y a pas problème. Elle connaît tout le monde.
Moi, le confinement, ça a été. Je sors pour aller voir les médecins et tout ça, mais autrement il n’y a plus rien dans le quartier qui m’intéresse. Mais ce n’est pas un problème, je lis. Je suis solitaire. Il y en a encore juste un [ami] qui était à la légion avec moi, mais il a 93 ans.
Je n’ai plus de famille. J’avais 4 sœurs qui sont mortes maintenant et j’ai encore des neveux et nièces en France. Mon neveu a demandé à venir me voir quand ma sœur est morte, mais il y a eu ces histoires de Covid. Il n’est jamais venu et je n’ai plus de nouvelles. C’est comme ça. Il faut dire que moi, j’étais beaucoup à l’étranger, je ne le connais pas vraiment. C’est le fils de ma sœur, mais je ne l’ai jamais vu. J’étais dans la Légion Etrangère. J’ai fait la guerre d’Algérie, avant l’Indochine, j’étais au Congo, au Yémen. Je n’ai jamais eu d’enfants, même hors mariage. Et je suis le dernier de la famille, le dernier à porter le nom de mon père. Maintenant, il ne reste plus que moi.
J’ai plus d’histoires à raconter sur ma famille que sur le Covid. Il ne s’est pas passé grand-chose pendant le Covid.
Après la Légion, je comptais m’établir dans le Midi où il y a des maisons d’accueil pour les anciens légionnaires, mais il y avait toujours ma mère ici à Boitsfort et je ne pouvais pas la laisser. Quand elle a eu 100 ans, j’ai dû la mettre dans une maison de repos. Ça ne lui plaisait pas beaucoup, mais elle ne pouvait plus rester seule. J’allais la voir tous les jours puisque c’était juste à côté. Je suis resté ici et j’ai trouvé un travail à l’hôtel.
Maintenant, je ne veux plus déménager, j’ai 89 ans. Il y a 30, 40 ans ça aurait été bien.
Je crois que j’ai eu le Covid tout au début, avant qu’on en parle. J’avais de la fièvre, la gorge prise, je n’étais pas bien du tout. Mon médecin n’était pas encore au courant. Il m’a juste dit de ne pas sortir.
J’ai bien récupéré après, je n’ai pas eu de problèmes de santé lié à ça. Et je ne l’ai plus attrapé après, j’ai fait les vaccins. Le médecin est venu les faire à la maison. Comme je fais partie de la convention pour le diabète, j’ai un médecin traitant qui supervise les autres médecins. J’ai un médecin pour les yeux, le diabète, les pieds, le cœur. Quand je fais une visite chez eux, ils préviennent mon médecin traitant qui fait le suivi. Il est tout prêt d’ici, je lui téléphone, il m’envoie les médicaments et il vient me voir. Je suis bien traité.
Mes voisins, je n’ai pas de contact avec eux. J’ai un nouveau voisin, et avant il y avait une Espagnole très gentille. En face, ce sont des Africains, ils viennent me voir et je vais les voir aussi. À côté, on se dit bonjour, mais ça s’arrête là.
Je n’ai pas souffert, c’est juste que je ne pouvais pas bouger. On vient m’apporter du potage, je ne sais pas qui, pendant les fêtes. Je crois que c’est la Maison de Quartier ici en bas. Ils m’ont téléphoné pour me dire qu’il y avait une distribution. Ils me donnent des chèques taxis, mais avec le Covid, je ne les ai pas utilisés.
À la Légion, on n’a pas ces problèmes-là, je n’étais pas angoissé, je n’ai pas peur. À la Légion, ce n’est pas parce qu’on a un accident que c’est fini.
La seule chose qui a changé, c’est que je ne sortais plus que pour aller voir les médecins. Quand cette histoire du Covid sera finie, j’irai faire un tour. Mais j’ai des avis médicaux différents de mes médecins, l’un me dit de rester chez moi et l’autre de sortir. C’est difficile de les contenter tous.
Mon aide familiale prend sa pension le mois prochain, j’en connais une autre depuis des années. Je vais demander à son chef de venir me voir et je vais essayer qu’il me mette celle-là. Si c’est pour avoir quelqu’un que je ne connais pas… et puis la plupart ce sont des nouvelles, elles ne savent pas travailler c’est malheureux à dire, mais elles sont juste là pour les congés. Elles prennent leurs congés normaux, un mois, elles reviennent deux jours et puis elles ont un certificat et elles sont malades jusque… Je préfère avoir quelqu’un en qui j’ai confiance. J’ai déjà été arnaqué par quelqu’un une fois, je ne veux pas que ça recommence.
Ce qui doit arriver arrivera, je prends toutes les précautions. À l’armée, j’en ai pris des tonnes de vaccins, donc en principe je ne dois rien risquer.
Il y a le potage qui va arriver, je ne sais pas pourquoi, mais c’est bien. Et j’ai reçu des pralines pour les fêtes et des dessins d’enfants, mais je ne peux pas leur écrire, c’est difficile tout ça.